Eh bien nous y sommes. Mon sentiment du jour est le doute et surtout la peur. Une boule au ventre me tenaille : et si je faisais une bêtise ? Est-ce raisonnable ?
Je n’étais jamais parti pour un si grand voyage. Le seul voyage à vélo que j’ai fait c’était, il y a quelques semaines, lorsque je voulais tester mon matériel en condition réelle. J’étais donc parti de Rennes pour aller vers St Malo. Il faisait moche. Je m’en souviens. Quasiment que de la pluie. Je suis parti en soirée et je n’ai pas réussi à aller jusqu’à mon objectif. Je n’avais pas assez bien étudié le trajet, je pensais qu’il y aurait du halage jusqu’au bout. Donc je suis rentré chez moi le lendemain. Voilà mon expérience, ma courte expérience : un échec, pour moins de 100 km et là j’en projetais plus de 800. Qu’est-ce que je faisais ? Qu’est-ce qui m’a pris ? Ce sont les questions que j’avais en tête à ce moment-là, au moment où je posais mon vélo sur le poteau pour la photo. De quoi aurais-je l’air si mon voyage annoncé ne durait que quelques kilomètres ? Mon vélo est lourd ( 20 kg + autant – voire plus – de bagages ), les sacoches ne tiendront pas… Tant pis, j’y vais.
Une fois lancé les premiers kilomètres sont les plus désagréables de mon trajet. Il doit être 8h00 du matin, les gens vont au travail et mon idéal se heurte à une réalité banale qui casse un peu ce que j’avais imaginé. De plus, les premiers kilomètres passe par un chemin que je connais et qui n’a pas pour moi l’aura de l’aventure. Mais plus les kilomètres passent et plus mon chemin devient exotique et colle avec mon idée d’aventure.
Le temps oscille entre beau temps et nuageux. Il commence à avoir un peu de vent, mais ça reste raisonnable. Je préviens mes proches et surtout ma copine que je suis parti. Elle me dit « attention, ils prévoient une tempête qui arrive de l’Ouest et va entrer dans les terres dans la nuit apparemment ». Je me dis « eh merde ! J’ai bien choisi mon jour comme d’hab’. » Et là le doute s’installe à nouveau. Je ne sais pas pourquoi, mes ces derniers mois, dès que je prenais mon vélo pour faire un trajet un peu plus long, une tempête me tombait dessus. La partie superstitieuse en moi y voit un signe, la partie rationnelle y voit un départ précipité qui m’a conduit à prendre des risques.
Le retour possible plane sur ma tête. Je sais que je pouvais renter à tout moment, à cause notamment d’une autre raison pour laquelle j’ai entrepris ce voyage, une raison que je mets souvent de côté parce que je n’ai pas envie qu’une partie fragile de moi me dicte ce que je dois faire ou pas : je suis agoraphobe.
Alors certains se diront que c’est super, car je ne risque pas de croiser une foule, d’autres se demanderont comment j’ai pu dans ce cas sortir de chez moi ? Mais l’agoraphobie ce n’est pas nécessairement ça. Pour résumer, je dirais que c’est la peur de ne pas pouvoir se réfugier ou trouver un refuge. Après, selon ce qu’on entend par « refuge », eh bien on peut tout aussi bien trouver deux personnes agoraphobes, typiquement moi et ma copine, ayant un développement contraire de leur agoraphobie : ce qui la rassure ( les grands espace sans personnes ) me fait peur, ce qui me rassure ( les lieux peuplés ) lui fait peur. Donc dans l’idée, ayant peur des grands espaces, j’irais de check-point en check-point jusqu’où je pourrais aller. Si je n’en trouve pas, je ferais un détour, si je ne peux pas, je… je ne sais pas, on verra.
Quels sont mes refuges ? Les arbres, les maisons, les villages… Donc en gros, quand je vois un grand espace, je me projette au loin. Je regarde s’il y a un « lieu refuge » assez proche. S’il est un peu loin je pédale très vite jusqu’à l’atteindre et je recommence. Heureusement, une partie de mon voyage ne connaîtra pas ce problème. Mais une autre partie si. On verra ça plus loin.
Donc je tenais informé mes proches. Mais comme vous pouvez l’imaginer, je ne peux pas envoyer de messages détaillés à tout le monde. Surtout que j’envoie des photos également et cela me prendrait trop de temps. Donc je décide de tout regrouper sur Facebook. Et c’est ce que je vais vous partager à présent. J’ajouterai des commentaires à ces publications pour ajouter des précisions.
Ah et j’ai pris beaucoup d’églises en photo car ma copine les adore.
Publication du 6 juin 2019
Première journée de voyage. 110 km peut-être. Je n’ai pas compté.
Le soleil a été cool. Il est sorti juste le temps que je mange pour aller se cacher après mais je ne lui en veux pas.
C’est bien mais personne pour jouer avec moi. Snif.
Il y en a pas mal. Je suis sur un des chemins de Compostelle. Pas contre je n’ai pas pensé à lui demander son nom.
C’est bien ce que vous voyez. Pas de piège ici.
C’est ça de prendre des photos avec des lunettes de soleil. On ne voit pas ce qu’on prend et on coupe le bateau.
Dîner bien mérité. J’étais mortellement mort.
Quand y en a plus y en a encore. J’ai foiré mon montage. [ La photo a été prise avant, je garde l’ordre malgré tout. ]
Un autre point de vue de cette église sans nom. Indice : elle se trouve là où je passe la nuit. [ L’Église St Hermeland de Guenrouët me précise ma copine ]
Je vais dormir ici. C’est à Guenrouët. Bonne nuit.
Je sais au moment d’aller me coucher que la tempête arrive, je vais en ressentir les effets déjà dans la nuit, mais c’est surtout après que ça va souffler. Le lieu où je me suis installé est sécurisant. J’ai toujours un peu peur de me faire virer de là donc je prendrai l’habitude de planter ma tente au tout dernier moment, mais pas que pour cette raison comme vous le verrez plus loin.
Ça a soufflé durant la nuit, je me suis éloigné des arbres et puis voilà.
Voici le tracé de la journée.